Ventes d’armes à Israël : « Le gouvernement français maintient le flou sur ses exportations »

Plusieurs associations ont lancé une action en justice visant à stopper les transferts d’armes de la France vers Israël. Une procédure qui rejoint l’opinion publique, choquée des tueries et de la complicité logistique française, nous explique Benoît Muracciole, président d’Action Sécurité Éthique républicaines (Aser). Axel Nodinot

Un mois après son arrivée à Matignon, Gabriel Attal recevait une missive lui demandant de suspendre la licence ML3 – les transferts de munitions – vers Israël. Signée de l’Action Sécurité Éthique républicaines (Aser), qui s’appuie sur le droit international, elle reste pour le moment lettre morte.

Sans attendre le premier ministre, plusieurs associations mènent une procédure juridique. En 2018, en pleine guerre au Yémen, l’Aser avait tenté de stopper les transferts d’armes vers les Émirats arabes unis et l’Arabie saoudite, allant jusque devant le Conseil d’État.

Ce dernier, refusant une suspension générale de toutes les licences, a laissé entendre, en 2023, qu’une seule d’entre elles pouvait être ciblée. L’Aser et son président, Benoît Muracciole, sont donc prêts à recommencer le travail pour que cesse la complicité de la France dans le massacre de la population gazaouie.

Le premier ministre avait deux mois pour répondre à votre demande de suspension des transferts de munitions vers Israël. Qu’en est-il ?

Il n’a toujours pas répondu. Mais, au lieu de saisir directement le tribunal administratif, nous avons déposé un référé de suspension. Le traité du commerce des armes des Nations unies précise, dans son article 6, que si les transferts d’armes – exportations, importations, transits, transbordements, dons ou prêts – servent à des graves violations des conventions de Genève, l’État doit les cesser s’il a la connaissance de ces crimes.

Or, depuis la décision de la Cour internationale de justice, Paris a connaissance de cette violation de la convention pour la prévention et la répression du génocide. En tant que pays signataire, il a l’obligation de la respecter.

Que va-t-il se passer, désormais, sur le plan juridique ?

D’abord, si le Conseil d’État n’avait pas pris la décision scélérate de dire que la justice n’avait rien à voir avec la question des exportations d’armes, ce qui est contraire à l’article 55 de la Constitution française, nous n’en serions pas là. L’État aurait été obligé, dans la situation de la guerre à Gaza, de suspendre toutes ses licences en direction d’Israël.

Pour le recours, deux actions vont être engagées en parallèle. La première, que nous menons avec Stop Fuelling War, l’Acat-France et Sherpa, porte sur l’excès de pouvoir de la part du gouvernement, et est liée à la lettre envoyée au premier ministre. La deuxième, le référé de suspension, vise à accélérer la réponse du gouvernement. Dans le même temps, l’Association France Palestine Solidarité (AFPS), Attac ou encore Amnesty International vont aussi déposer des référés à la fin de la semaine.

Quels types d’armes la France envoie-t-elle en Israël, et dans quelles quantités ?

Les quantités ne sont pas énormes, entre 15 et 30 millions d’euros par an sur les vingt dernières années, mais c’est un faux problème. C’est le type de matériel de guerre qui est exporté qui pose problème, puisqu’il va être engagé dans la chaîne de ces crimes de guerre, contre l’humanité ou de génocide.

Nous avons pris connaissance, grâce aux investigations de Disclose, que la compagnie Eurolink exporte des pièces détachées et composants qui permettent, entre autres, d’attacher les munitions pour les mitrailleuses lourdes. Mais d’autres licences ont été délivrées, sur lesquelles nous n’avons pas d’informations. Les rapports sont émis, volontairement, avec beaucoup de retard.

Si la France n’avait pas honte de ses exportations, elle dirait : « Nous soutenons tel État dans son action que nous jugeons légitime et conforme au droit international, et cette licence concerne tel matériel. » Ainsi, les citoyens et les parlementaires seraient informés de la conformité de la politique d’exportation de la France. Mais, en l’espèce, le gouvernement français entretient un flou extrêmement grave.

https://www.humanite.fr/monde/guerre-israel-hamas/ventes-darmes-a-israel-le-gouvernement-francais-maintient-le-flou-sur-ses-exportations

Quelles frontières pour les armes ? par Benoît MURACCIOLE

L’action des citoyens pour l’élaboration du Traité sur le commerce des armes 
aux Nations Unies. Membre d’Amnesty international à partir de 1978, Benoit Muracciole découvre et s’associe à partir de 1997 dans une réflexion que mène cette ONG sur l’impact des armes et de leur commerce, sur les violations des droits de l’Homme.

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