Voiture électrique et CO2 : la raquette européenne est pleine de trous  qui feront augmenter les émissions de CO2 d’ici 2050.

A lire les propositions faites pour la Commission européenne pour interdire en 2035 les moteurs thermiques et pour doter tous les véhicules qui seront mis en circulation d’un moteur électrique se posent plusieurs questions occultées à Bruxelles. En voici deux parmi d’autres : quel sera le bilan carbone de ce total renouvellement du parc automobile en Europe et ailleurs ? Comment évolueront les prix des métaux et autres matières premières pour la fabrication de ces nouvelles voitures ?

Par Gérard Le Puill

Dans « Le Monde » daté de ce 16 juillet, l’éditorial en page 34 porte ce titre « Climat : l’Europe à l’avant-garde ». À lire l’éditorialiste anonyme, ce titre se justifie de la manière suivante : « Présenté mercredi 14 juillet par Commission européenne à Bruxelles, le pacte vert place l’Europe à l’avant-garde de la lutte contre le changement climatique. Avec la feuille de route proposée pour atteindre l’objectif d’une neutralité carbone en 2050, en passant par une réduction de 55 % des émissions de gaz à effet de serre en 2030 par rapport à 1990, l’Union européenne (UE) se donne les moyens de créer une dynamique mondiale susceptible d’inciter les autres pays à rejoindre l’effort de préservation de la planète ». Car, lit-on encore dans cet éditorial, « le pacte vert européen a le mérite de fixer un cap entièrement volontariste, qui tranche avec les atermoiements du passé. Deux mesures phares illustrent cette ambition : l’interdiction de la vente de véhicules à moteur à combustion dès 2035 et la refonte du marché du carbone ».

Une incitation pour délocaliser les productions

Sans rien démontrer, Ursula Von der Leyen dit un peu la même chose dans un entretien publié en page 7 du même journal. Elle affirme en parlant de l’Europe des 27 : « La croissance et les émissions de CO2 ne sont pas obligatoirement liées. Depuis 1990, les émissions ont reculé de 25 % quand le produit intérieur brut a progressé de plus de 60 % ». Disant cela, l’actuelle présidente de la Commission européenne occulte le fait que la taxe carbone mise en place en 2005 devait maintenir le prix de la tonne de CO2 à 30€ pour inciter les entreprises acheteuses de droits polluer à réduire leurs émissions. Mais, très vite, la tonne de CO2 est tombée à 10, puis à 5€. Pour une raison toute simple, il suffisait aux entreprises les plus polluantes de la sidérurgie, de la chimie et autres, de délocaliser leurs productions les plus émettrices de CO2 dans des pays tiers à bas coûts de main-d’œuvre pour avoir du carbone à vendre, tout en augmentant leurs profits et en polluant davantage globalement.

Sur sa lancée, la présidente de la Commission européenne promet une seconde taxe carbone, cette fois sur l’essence et le gazole des véhicules que les salariés utilisent pour se rendre au travail. Une taxe qui pénalisera en premier lieu les transports routiers qui partent des régions périphériques de l’Europe, comme le sud de l’Italie, le sud de l’Espagne, le Portugal et la Bretagne pour ce qui est de la France. Gilets jaunes et bonnets rouges auront donc de bonnes raisons de se mettre en colère, ont relevé certains commentateurs.

Que donnera une éventuelle taxe aux frontières de l’Europe ?

Ursula Von der Leyen promet aussi la mise en place de ce qu’elle nomme « un Mécanisme d’Ajustement Carbone aux Frontières » (MACF) de l’Europe. Interrogée sur des mesures de rétorsion toujours possibles que prendraient des pays tiers, lesquels peuvent aller devant le tribunal arbitral de l’Organisation Mondiale du Commerce, la présidente de la Commission lâche tranquillement : « Nous ferons en sorte que le Mécanisme d’Ajustement Carbone aux Frontières soit compatible avec les règles de l’Organisation mondiale du commerce. Il faut comprendre que le MACF est une invitation faite aux pays tiers à se doter d’un marché carbone ».

Il reste à voir si une invitation suffira à les convaincre les décideurs politiques des pays tiers tandis que la Commission demeure par ailleurs mandatée par les pays membres de l’Union pour négocier des accords de libres-échanges avec certains de ces pays dont l’Australie et la Nouvelle Zélande, tandis que ces mêmes pays européens n’ont pas renoncé à ratifier l’accord que la Commission a signé, en juin 2019 , avec les pays du Mercosur qui font reculer la forêt amazonienne pour vendre de la viande, du soja, du sucre de canne et des carburants agricoles aux pays européens.

Relance du CO2 dans l’extraction des métaux et la sidérurgie

Dans la même page du quotidien du soir, sous l’entretien accordé au journal par Ursula Von der Leyen, l’article de Jean-Michel Bezat montre tout de même que les choses ne sont pas aussi simples. Il note que la sidérurgie est « responsable de 7,6 % des émissions mondiales de CO2 ». Il faut partir de ce constat et de la volonté de l’Europe d’interdire les moteurs thermiques en 2035 – l’Europe étant en concurrence avec les industriels des pays tiers pour conquérir des parts de marché pour imaginer ce qui va se passer durant cette décennie et la suivante. Nous assisterons à deux décennies de « destruction créatrice » durant lesquelles les entreprises sidérurgiques émettront beaucoup de CO2, précédées en cela par celles qui sont spécialisées dans l’extraction des métaux et autres matières premières pour équiper les voitures électriques et leurs batteries.

Il a été calculé qu’une voiture électrique doit parcourir 40.000 kilomètres avant de moins polluer durant son cycle de vie qu’une voiture dotée d’un moteur thermique. Car le bilan carbone de sa construction comme de celle de sa batterie est très élevé. Sachant qu’un pays comme la France compte aujourd’hui quelque 40 millions de véhicules dont 32 millions de voitures particulières, la course au remplacement du moteur thermique par le moteur électrique se traduira par une forte croissance des émissions annuelles de CO2 dans le secteur des transports pendant plus de deux décennies. De plus, si, comme actuellement, 4 millions de véhicules à moteur thermique retirés du marché en Europe continuent d’être vendus en Afrique chaque année, ce bilan carbone viendra aussi alimenter le réchauffement de la planète.

Il faudra du ciment pour monter les usines et sceller les éoliennes

Évoquant la production de ciment, Jean-Michel Bezat relève que les cimentiers français se donnent un objectif inédit : « une tonne de ciment produite ne devrait plus générer que 503 kilos de CO2 en 2030 contre 660 kilos en 2015 » Mais on utilisera beaucoup de ciment dans le monde mettre en place les nouveaux sites de production des voitures électriques. Parallèlement on multipliera aussi les blocs de béton qui serviront à sceller les éoliennes pour produire une partie de l’électricité permettant d’alimenter un parc de véhicules 100 % électrique en 2035 dans les pays membres de l’Union européenne. S’y ajouteront les réparations des dégâts comme ceux des inondations qui frappent l’Europe de l’ouest en ce moment !

Ainsi, dès que l’on regarde la réalité en face, il apparaît que la « raquette » de la Commission européenne est pleine trous et ces trous feront augmenter les émissions de CO2 d’ici 2050. Au-delà, il reste une question qui n’a guère été abordée depuis deux jours : Où et à quel prix trouvera-t-on le fer, le cuivre, l‘étain et tous les autres matériaux indispensables en grandes quantités pour électrifier un parc mondial d’environ 1,2 milliard de véhicules dans le but proclamé d’atteindre la neutralité carbone en 2050 ?

https://www.humanite.fr/voiture-electrique-et-co2-la-raquette-europeenne-est-pleine-de-trous-714653

Laisser un commentaire

search previous next tag category expand menu location phone mail time cart zoom edit close